Maroc : éliminer les obstacles à l’accès à la justice pour femmes et jeunes filles en cas de violences sexuelles et basées sur le genre – nouveau rapport de la CIJ

Maroc : éliminer les obstacles à l’accès à la justice pour femmes et jeunes filles en cas de violences sexuelles et basées sur le genre – nouveau rapport de la CIJ

Dans un rapport publié aujourd’hui à Rabat, la CIJ a appelé à l’élimination et à l’éradication des obstacles légaux et attitudes judiciaires discriminatoires entravant l’habilité des femmes et des jeunes filles à demander justice et réparation pour violences sexuelles et basées sur le genre au Maroc.

Le rapport de la CIJ Obstacles to Women’s and Girls’ Access to Justice for Gender-based Violence in Morocco (disponible en anglais et en arabe seulement) explore les différents obstacles auxquels sont confrontées les femmes qui cherchent à obtenir justice au Maroc, et adresse des recommandations au Gouvernement et au pouvoir judiciaire marocains afin d’améliorer l’accès à la justice et à des voies de recours utiles pour les femmes et jeunes filles victimes de violences sexuelles et basées sur le genre.

« Les autorités marocaines devraient modifier la Loi 103/03 et le Code Pénal afin d’assurer leur conformité au droit et aux normes internationales relatives aux droits de l’homme. Le parquet et les autorités judiciaires marocaines, dont le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, devraient assurer que des directives détaillées concernant l’enquête et la poursuite des crimes de violences sexuelles et basées sur le genre soient développées et respectées, et que des programmes de sensibilisation soient déployés afin de lutter contre les stéréotypes de genre et le blâme des victimes dans les procédures judiciaires », a déclaré Saïd Benarbia, Directeur du Programme Moyen-Orient et Afrique du Nord de la CIJ.

Malgré la récente adoption de la Loi 103/03 relative à la lutte contre les violences envers les femmes, la violence sexuelle et basée sur le genre n’a pas encore été correctement adressée; elle reste très répandue au Maroc et nuit profondément aux droits des victimes et à la société dans son ensemble.

La Loi 103/03 ne définit pas le viol de manière conforme au droit et aux normes internationales pertinentes: le crime est encore considéré au regard de la moralité et de la décence publique, plutôt qu’en tant que violation de l’intégrité physique et de l’autonomie corporelle d’une personne; la Loi 103/13 est également une opportunité manquée de criminaliser le mariage précoce et d’un enfant, soutenant cette pratique néfaste.

En plus de lois et procédures discriminatoires, au Maroc, les femmes et jeunes filles cherchant à ce que justice leur soit rendue pour les violences sexuelles et basées sur le genre dont elles ont été victimes doivent faire face à un système judiciaire souvent influencé par des présomptions biaisées, et qui véhicule des stéréotypes de genre négatifs, dont des normes culturelles ancrées dans le patriarcat.

Dans ce contexte, comme analysé dans le rapport de la CIJ, des peines excessivement clémentes – par exemple dans les affaires de viol conjugal – et les risques accrus pour femmes et jeunes filles d’être poursuivies en justice sur la base de relations extra-conjugales consentantes dissuadent femmes et jeunes filles de demander justice et réparation pour abus physiques et sexuels dont elle ont été victimes soit des mains de leur époux soit d’individus auxquels elles ne sont pas mariées.

Afin de commencer à adresser les obstacles à l’accès à la justice rencontrés par les femmes et jeunes filles victimes de violences sexuelles et basées sur le genre, le rapport invite les autorités marocaines à :

  • Adopter une législation qui reconnaît le droit individuel à l’autonomie sexuelle, et qui reconnait qu’une relation égalitaire exige le libre et entier consentement des deux parties ;
  • Définir de manière adéquate et criminaliser dans toutes ses formes et selon une définition neutre sur le plan du genre les actes de viol, y compris en criminalisant le viol conjugal comme une infraction autonome ;
  • Abroger l’article 490 du Code Pénal selon lequel les relations sexuelles extra-conjugales constituent une infraction pénale, et assurer que l’article 19 du Code de la Famille concernant l’âge minimal requis pour se marier soit strictement respecté ;
  • Promulguer des politiques, mesures législatives et procédurales ayant pour but d’améliorer l’efficacité du système judiciaire ainsi que des autres services du secteur public liés à l’accès à la justice pour les femmes, y compris en faisant appliquer les décisions concernant les pensions alimentaires au conjoint ou aux enfants, en fournissant une assistance juridique gratuite pour les victimes de violences sexuelles et basées sur le genre, en octroyant des ordonnances de protection et en adoptant toutes autres mesures urgentes ;
  • Développer et appliquer des directives portant sur l’enquête et la poursuite de crimes de violences sexuelles et basées sur le genre;
  • Développer un protocole national relatif aux examens médicaux et médico-légaux dans des cas de violences sexuelles et basées sur le genre, et garantir un service d’analyses médico-légales disponible et abordable ;
  • Fournir des programmes de formation et de sensibilisation visant à combattre, au sein du pouvoir judiciaire, les stéréotypes, le blâme des victimes et autres pratiques néfastes;

Informations supplémentaires

Cette semaine à Rabat, une délégation de la CIJ dirigée par la Commissaire Martine Comte a présenté le rapport à plusieurs autorités marocaines, ainsi que des acteurs de la justice et de la société civile afin de discuter de se conclusions et recommandations. La délégation de la CIJ a rencontré M. Mohamed Aujjar, Ministre de la Justice ; M. Taoufik El Maimouni, Président de la Commission Justice, Législation et Droits de l’Homme à la Chambre des députés ; M. Larbi Tabit, Secrétaire Général au Ministère de la Solidarité, de la Femme et du Développement Social ; Mme Amina Bouayach, Présidente du Conseil National des Droits de l’Homme ; ainsi que des représentants du pouvoir judiciaire et de la société civile.

Morocco-Obstacles GBV-Publications-Reports-Thematic report-2019-ENG (rapport en anglais, PDF)

Morocco-Obstacles GBV-Publications-Reports-Thematic report-2019-ARA (rapport en arabe, PDF)

Turquie : la levée de l’état d’urgence est un bon début, il faut maintenant rétablir l’état de droit

Turquie : la levée de l’état d’urgence est un bon début, il faut maintenant rétablir l’état de droit

La CIJ a salué aujourd’hui la levée de l’état d’urgence en vigueur en Turquie depuis presque deux ans, qui devrait être effective à partir de minuit. La CIJ a toutefois ajouté que les autorités devaient désormais instaurer une série de mesures visant à rétablir l’état de droit dans le pays.

La prise de position de la CIJ coïncide avec la publication de son rapport Justice Suspended – Access to Justice and State of Emergency in Turkey (disponible en anglais seulement) qui décrit comment les mesures prises en vertu de l’état d’urgence, notamment la révocation massive de magistrats et les arrestations et poursuites arbitraires d’avocats et de défenseurs des droits de l’Homme, ont érodé les institutions et les mécanismes judiciaires du pays.

Le rapport préconise, entre autres, l’abrogation de ces mesures, le rétablissement de l’indépendance du système judiciaire et la réforme des lois antiterroristes du pays.

“Avec la fin de l’état d’urgence, nous appelons au retrait immédiat des notifications de dérogations à la Convention européenne des droits de l’homme et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,” a déclaré Massimo Frigo, conseiller juridique principal pour le programme Europe et Asie centrale de la CIJ.

“Nous sommes préoccupés par le fait que la plupart de ces mesures d’exception restent ancrées dans la loi turque, avec des des conséquences pernicieuses à long terme sur la jouissance des droits de l’Homme élémentaires et les bases de l’Etat de droit dans le pays,” a-t-il ajouté.

Cours régionales des droits de l’Homme: la procédure de sélection des magistrats a besoin de réforme

Cours régionales des droits de l’Homme: la procédure de sélection des magistrats a besoin de réforme

Les procédures nationales de sélection pour les magistrats des cours régionales des droits de l’Homme ne respectent que trop rarement les standards d’équité, d’intégration et de transparence, selon les conclusions d’un rapport publié aujourd’hui par la CIJ et l’Open Society Justice Initiative.

Ce rapport fait des recommandations visant à assurer la sélection des meilleurs candidats comme magistrats des cours régionales des droits de l’Homme.

Les cours et commissions régionales des droits de l’Homme, y compris la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, la Cour européenne des droits de l’Homme et la Commission interaméricaine des droits de l’Homme, sont des défenseurs essentiels de l’état de droit.

Pourtant, malgré leur importance, le processus de sélection des magistrats et commissaires qui siègent dans ces organes, c’est-à-dire la façon dont ils sont nominés, contrôlés et in fine sélectionnés, demeure largement inconnu et bien souvent organisé de manière opaque.

Associée à des efforts politiques répétés pour éroder les institutions de droits internationaux, cette opacité souligne le besoin crucial de se concentrer sur le renforcement de ces systèmes depuis l’intérieur.

Ce rapport, consolidé depuis l’intérieur, répond justement à ce défi.

Il met en lumière les processus qu’utilisent les Etats pour nominer et sélectionner les magistrats et commissaires des droits de l’Homme.

En analysant les pratiques de nominations de 22 pays, ce rapport documente la façon dont les procédures de nominations ne respectent pas assez souvent les cadres légaux et les standards internationaux qui seraient censés les guider.

Ce rapport identifie également les pratiques prometteuses et propose des recommandations fondées sur l’expérience.

Un pouvoir judiciaire indépendant est essentiel à l’état de droit: pour les cours nationales, les procédures de sélection du pouvoir judiciaire doivent être équitables, transparentes et basées sur le mérite.

Ainsi que que le fait remarquer ce rapport, les cours et tribunaux internationaux du monde entier sont à la même enseigne.

Universal-Strengthening from Within-Publications-Reports-2017-FRA (rapport complet en français, PDF)

Tunisie: des réformes devraient être adoptées pour renforcer l’indépendance et la responsabilité du pouvoir judiciaire

Tunisie: des réformes devraient être adoptées pour renforcer l’indépendance et la responsabilité du pouvoir judiciaire

Ce rapport de la CIJ sur l’indépendance du pouvoir judiciaire en Tunisie examine la nouvelle Constitution et les autres lois, institutions et politiques qui ont un impact sur l’indépendance de la justice à la lumière des normes internationales et régionales, y compris les traités dont la Tunisie est partie.

En particulier, la CIJ analyse le Conseil Supérieur de la Magistrature, le statut des magistrats, les mécanismes de responsabilité judiciaire, les tribunaux militaires et le parquet, et évalue la façon dont ils protègent ou pas l’indépendance du pouvoir judiciaire et le respect de l’Etat de droit et des droits de l’homme.

Tunisia-Strengthen Judicial Independence-Report Introduction-2014-FRE (Texte complet en PDF)

Contact:

Said Benarbia, Directeur de la section Moyen Orient et Afrique du Nord de la CIJ,  tel: +41 22 979 38 1, e-mail: said.benarbia(a)icj.org

Maroc: la réforme judiciaire doit être globale et significative

Maroc: la réforme judiciaire doit être globale et significative

La CIJ a appelé aujourd’hui les autorités marocaines à assurer une réforme globale et significative du pouvoir judiciaire.

Cette déclaration intervient alors que la CIJ vient de conclure une mission de haut niveau au Maroc et de lancer son rapport «Réformer le système judiciaire au Maroc », le 21 Novembre 2013.

La CIJ a déclaré que les réformes devraient viser à mettre fin à toute forme d’influence ou de contrôle abusif du pouvoir exécutif sur les affaires judiciaires.

Elle a appelé au renforcement de l’autorité du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) nouvellement créé, sur tous les aspects relatifs à la carrière des juges et des procureurs.

La CIJ a souligné que le Ministère Public devrait être séparé du pouvoir judicaire et qu’il devrait conduire ses activités de manière objective et impartiale, et en défense des droits de l’homme.

L’organisation a également demandé à ce que la compétence des tribunaux militaires soit limitée au personnel militaire pour manquement à la discipline militaire, et qu’en aucun cas ces tribunaux ne devraient être utilisés pour juger des crimes constituant des violations des droits de l’homme.

Morocco – Réforme judiciaire – News-press release-2013-Fr (Texte complet en PDF)

Maroc – Réformer le système judiciaire-publications-rapport RESUME-2013-fr (Résumé du rapport en PDF)

 

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