Oct 11, 2018 | Nouvelles
La CIJ a condamné aujourd’hui la nomination par le président Andrzej Duda de 27 juges à la Cour suprême en remplacement de ceux qui ont été mis «à la retraite forcée» en juillet dernier.
«Ces nominations sont manifestement illégitimes et portent gravement atteinte à l’état de droit en Pologne», a déclaré Róisín Pillay, directrice de programme de la CIJ pour l’Europe et l’Asie centrale.
Les nouvelles nominations visent à remplacer les juges de la Cour suprême, y compris la présidente de la Cour suprême, Małgorzata Gersdorf, dont la «retraite forcée» constitue une violation flagrante des normes internationales relatives à la sécurité du mandat et à l’indépendance des juges.
La décision du président est d’autant plus préoccupante qu’elle enfreint une décision de la Cour suprême suspendant la loi en vertu de laquelle ces nominations ont été faites, dans l’attente d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne.
L’un des principes fondamentaux de l’état de droit et des principes relatifs à l’indépendance du pouvoir judiciaire est que l’exécutif respecte les décisions dûment prises par le pouvoir judiciaire.
«En annonçant ces nominations maintenant, alors que des cas relatifs à la retraite forcée de juges de la Cour suprême sont toujours pendants à la Cour européenne, le président Duda a ignoré les procédures de l’instance judiciaire suprême de l’Union européenne», a ajouté Róisín Pillay.
La CIJ considère que la légalité de la nomination des nouveaux juges est d’avantage compromise par le rôle joué par le Conseil national de la magistrature, désormais politisé, dont l’indépendance et l’impartialité ont été gravement compromises par les récentes modifications législatives.
La CIJ exhorte les autorités polonaises à cesser toute ingérence envers la Cour suprême dans l’exercice de ses fonctions légitimes, et à inverser les mesures prises de contraindre les membres de la Cour suprême à prendre leur retraite.
Contexte
Cette offensive contre les agissements de la Cour suprême a lieu dans le cadre d’un travail de sape systématique de l’indépendance du pouvoir judiciaire en Pologne par les autorités exécutives et législatives polonaises, dans le but d’accroître leur influence politique sur le pouvoir judiciaire, ce que la CIJ a maintes fois condamné.
Plus tôt cette année, la Pologne a adopté une nouvelle loi sur la Cour suprême qui tente de contraindre un tiers des juges à la Cour suprême « à prendre leur retraite », y compris son Premier président, en abaissant l’âge de la retraite obligatoire de ses juges de 70 à 65 ans. Cette mesure contrevient clairement au droit et aux standards internationaux relatifs aux droits de l’Homme.
La Commission européenne a lancé une procédure d’infraction pour non-conformité de cette loi avec le droit européen.
En l’absence de réformes satisfaisantes de la part de la Pologne, la Commission a saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le 24 septembre et a demandé des mesures provisoires pour rétablir la Cour suprême de ce pays dans sa situation antérieure au 3 avril 2018.
Au même moment, la Cour suprême de Pologne a adressé à la CJUE une demande de décision préliminaire visant à obtenir son interprétation sur la conformité de sa législation sur l’âge de la retraite des juges au regard du droit européen, en particulier en ce qui concerne l’interdiction de la discrimination basée sur l’âge, et ce en vertu de la Directive 2008/78. .
Conformément à la jurisprudence de la CJUE, la Cour suprême a suspendu l’application du droit national sur la retraite forcée des juges.
Une lettre de la CIJ du 11 juillet 2018 (uniquement disponible en anglais), signée par 22 hauts magistrats de toutes les régions du monde, a exhorté le gouvernement polonais à agir immédiatement pour réintégrer les juges mis de force à la retraite.
Sep 18, 2018 | Plaidoyer
La CIJ a mis en lumière les graves menaces qui pèsent sur l’état de droit en Hongrie, en Pologne et en Turquie, lors de sa prise de parole au Conseil des droits de l’Homme à Genève.
La déclaration, faite pendant le débat général sur les situations nécessitant l’attention du Conseil, est la suivante:
«La Commission internationale de juristes (CIJ) voudrait attirer l’attention du Conseil sur les graves menaces qui pèsent sur l’état de droit en Hongrie, en Pologne et en Turquie.
En Pologne, le gouvernement a adopté une mesure législative pour imposer de manière arbitraire un «départ à la retraite» involontaire d’un tiers de ses juges à la Cour suprême, portant ainsi un coup fatal à l’indépendance du pouvoir judiciaire, déjà mis à mal par les réformes passées.
En Hongrie, de multiples réformes législatives ont affaibli l’indépendance des juges et puni les activités de certaines ONG de défense des droits de l’homme et restreint leur financement.
Enfin, en Turquie, la consolidation de mesures d’urgence en droit commun, des réformes constitutionnelles régressives, et le licenciements massif de juges et de procureurs a supprimé une protection essentielle pour le fonctionnement d’un pouvoir judiciaire indépendant.
La CIJ est en outre préoccupée par l’interdiction des manifestations des mères du samedi qui prévoit d’organiser des manifestations hebdomadaires à la mémoire des membres de leur famille disparus, en violation de leur droit à la liberté de réunion.
La CIJ est profondément préoccupée par l’escalade de telles menaces aux principes fondamentaux de l’état de droit en Europe, sans que des mesures spécifiques soient prises par le Conseil pour y remédier.
La CIJ exhorte le Conseil à prêter attention à ces développements, qui s’inscrivent dans le cadre d’une attaque mondiale plus vaste contre la primauté du droit [1] et à observer la situation des droits de l’homme dans ces pays.
[1] Voir la CIJ, «L’état de droit sous la menace mondiale» (déclaration lors du débat général sur le compte rendu oral du Haut Commissaire), 11 septembre 2018: https://www.icj.org/hrc39-gd2-hc/
Aug 21, 2018 | Articles, Nouvelles
La CIJ et sa section polonaise ont exprimé aujourd’hui leur soutien aux actions de la Cour suprême pour défendre l’état de droit et l’indépendance du pouvoir judiciaire en Pologne, notamment en recourant à la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE).
Ces faits interviennent dans la foulée d’attaques répétées de la part de personnalités politiques et des autorités.
La préservation et la sauvegarde de l’indépendance des tribunaux sont essentielles pour la protection des droits de l’Homme en Pologne, ont déclaré les deux organisations.
La CIJ et sa section polonaise ont exhorté les autorités exécutives et législatives du pays à cesser toute ingérence dans la conduite de ses fonctions légitimes par la Cour suprême.
La loi sur la Cour suprême qui a abouti à la «retraite» forcée d’un tiers de la Cour suprême, y compris de la présidente de la Cour, Małgorzata Gersdorf, doit être abrogée et les juges réintégrés, ont souligné la CIJ et sa section polonaise.
Le 2 août, la Cour suprême de Pologne a pris l’initiative, bienvenue, de présenter une demande de décision préliminaire à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), conformément au droit de l’UE, afin de requérir son interprétation sur la conformité de la législation récente sur l’âge de la retraite des juges avec le droit de l’UE.
Plus précisément, la Cour suprême a demandé si la législation respectait le principe de l’inamovibilité des juges et de l’interdiction de la discrimination fondée sur l’âge en vertu de la directive 2000/78.
La Cour suprême a suspendu l’application de la loi tant que durera la procédure devant la CJUE.
La CIJ et sa section polonaise condamnent les attaques contre la Cour suprême de la part des autorités politiques, et notamment le président Andrzej Duda, qui ont prétendu que la suspension de l’application de la loi n’a aucun fondement juridique.
Au contraire, la Cour suprême de Pologne a agi dans le respect de ses obligations, en vertu de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFEU), pour questionner l’interprétation des traités et, conformément à la jurisprudence de la CJUE, et pour suspendre l’application de mesures qui pourraient constituer une violation du droit de l’Union européenne, dans l’attente du règlement de la question.
La législation soulève de sérieux problèmes en droit européen, tant en ce qui concerne la protection de l’état de droit en vertu de l’article 2 du TFEU que de la discrimination fondée sur l’âge.
Cette attaque contre les actions de la Cour suprême intervient alors que les autorités exécutives et législatives polonaises sapent systématiquement l’indépendance de la justice en Pologne, ce que la CIJ, sa section en Pologne et les juges du réseau mondial de la CIJ ont condamné à plusieurs reprises.
Les deux organisations soulignent que l’inamovibilité des juges est l’un des principaux piliers de l’indépendance judiciaire et donc de l’état de droit. Une lettre de la CIJ datée du 11 juillet 2018 (disponible uniquement en anglais), signée par 22 hauts magistrats de toutes les régions du monde, a exhorté le gouvernement polonais à agir immédiatement pour réintégrer les juges mis en retraite forcée.