Tunisie : Le Président doit renoncer à son plan de dissolution du Conseil Supérieur de la Magistrature

Le projet de dissolution du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) par décret présidentiel doit être abandonné car il porterait un coup fatal et irréversible à l’indépendance de la justice, à la séparation des pouvoirs et à l’État de droit, a déclaré aujourd’hui la Commission Internationale de Juristes (CIJ).

Le 6 février 2022, le Président Kais Saied a annoncé son intention de dissoudre le Conseil Supérieur de la Magistrature par décret, déclarant que l’institution doit “se considérer comme faisant partie du passé”.

Le Conseil Supérieur de la Magistrature est une institution indépendante créée en vertu de la Constitution tunisienne de 2014 et veille au bon fonctionnement du pouvoir judiciaire en vue d’assurer son indépendance et sa redevabilité.

Le pouvoir judiciaire est le seul contrôle restant sur le pouvoir exécutif en Tunisie, après la prise de pouvoir du président Saied en juillet 2021, lorsqu’il a dissous le Parlement jusqu’en décembre 2022 et s’est habilité à gouverner par décret. L’institution est donc essentielle au maintien de l’indépendance du pouvoir judiciaire, de la séparation des pouvoirs et de l’État de droit dans le pays.

« En décidant de dissoudre le Conseil Supérieur de la Magistrature, le Président Saied démontre sa détermination à supprimer la dernière ligne de défense de son pouvoir d’un seul homme en Tunisie : le pouvoir judiciaire », a déclaré le directeur du Programme Afrique du Nord et Moyen-Orient de la Commission Internationale de Juristes, Said Benarbia. « Cependant, une telle dissolution par décret présidentiel serait illégale et inconstitutionnelle ».

L’article 80 de la Constitution, sur laquelle s’appuie actuellement le Président Saied pour gouverner par décret, ne lui donne pas le pouvoir de dissoudre le Conseil Supérieur de la Magistrature. La CIJ appelle le Président à revenir sur sa décision de dissoudre le Conseil Supérieur de la Magistrature et l’exhorte plutôt à œuvrer au renforcement du pouvoir judiciaire .

Cette décision marque l’aboutissement de mois d’attaques présidentielles contre le Conseil Supérieur de la Magistrature, attaques qui ont également sapé la confiance du public dans le système judiciaire. Depuis septembre 2021, le Président est responsable d’un récit au vitriol autour de la corruption du système judiciaire et de la nécessité de le “purifier”, tout en échouant simultanément à arrêter une campagne publique de diffamation contre le Conseil et les juges individuels ; le Président a également supprimé les allocations financières et autres privilèges des membres du Conseil par décret. Cette décision fait partie intégrante de l’attaque du Président contre l’indépendance du pouvoir judiciaire et la séparation des pouvoirs.

En vertu du droit international et des normes internationales, un Conseil Supérieur de la Magistrature indépendant est essentiel pour garantir l’indépendance institutionnelle du pouvoir judiciaire et l’indépendance individuelle des juges.

« Par la dissolution du CSM, le Président mettrait effectivement fin à tout semblant de séparation des pouvoirs en Tunisie. La communauté internationale ne doit pas fermer les yeux sur cette dernière atteinte à l’État de droit et doit exhorter le Président au retour à l’ordre constitutionnel en Tunisie », a ajouté Benarbia.

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Contact

Saïd Benarbia, Directeur du programme MENA de la Commission Internationale de Juristes (CIJ) ; email: [email protected]

Asser Khattab, Responsable des communications du programme MENA de la Commission Internationale de Juristes(CIJ), email: [email protected]

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