Une survivante témoigne au procès en Allemagne d’un présumé ancien chauffeur de “l’escadron de la mort” gambien

Une femme qui a survécu à l’assassinat d’un éminent journaliste gambien témoignera les 6 et 7 octobre 2022 dans la ville allemande de Celle, au procès d’un homme accusé d’avoir été impliqué dans le meurtre, a déclaré aujourd’hui le groupe d’ONG.

Ida Jagne, qui était dans la voiture avec le rédacteur en chef Deyda Hydara lorsqu’il a été tué en 2004, racontera son histoire en public pour la première fois au procès de Bai L., un membre présumé des « Junglers », un « escadron de la mort » paramilitaire mis en place par l’ancien président Yahya Jammeh au milieu des années 1990s. Ida Jagne est une partie plaignante au procès.

Le procès de Bai L. , qui a vécu à Hanovre, a commencé le 25 avril 2022 et devrait durer au moins jusqu’au début de 2023. Bai L., qui a gardé le silence jusqu’ici, a indiqué par l’intermédiaire de ses avocats qu’il ferait une déclaration au cours des prochaines semaines.

Le règne de Yahya Jammeh qui a duré 22 ans a été marqué par une politique d’oppression systématique accompagnée de graves violations des droits humains à l’encontre de tout opposant réel ou supposé à Jammeh, notamment des actes de torture, des exécutions extra-judiciaires, des disparitions forcées, et des violences sexuelles. Les procureurs allemands accusent Bai L. d’être impliqué, en tant qu’ancien chauffeur des Junglers, dans l’assassinat de Hydara, la tentative de meurtre de l’avocat Ousman Sillah en 2003, ainsi que le meurtre Dawda Nyassi en 2006, opposant présumé́ de l’ancien président. Dans son rapport final publié en décembre 2021, la Commission gambienne vérité, réconciliation et réparations (TRRC pour Truth Reconciliation and Repararions Commission) a recommandé des poursuites contre Bai L. concernant les affaires Hydara et Sillah, et le meurtre de 59 migrants ouest-africains en 2005.

Parmi les témoins qui ont été entendus à ce stade figuraient des enquêteurs allemands, d’anciens soldats gambiens, la juge ayant entendu Bai L. dans le cadre de sa demande d’asile, Njan Sarang Jobe, l’autre passagère dans la voiture de Deyda Hydara au moment de son meurtre, Pap Saine, co-fondateur du journal The Point avec Deyda Hydara, Fatou Sillah, fille de Ousman Sillah, ainsi que le fils de Hydara, le journaliste Baba Hydara, qui est également partie plaignante au procès. Fatu Camara, journaliste influente et animatrice du Fatu Network, qui a interviewé Bai L. en 2014 devrait témoigner les 3 et 4 novembre 2022. La cour a également utilisé des éléments de preuve du rapport de la TRRC, ainsi qu’une interview de Bai L. donnée en 2013 à la station de radio gambienne Freedom Radio, dans laquelle il décrivait sa participation dans les crimes allégués et d’autres.

Le procès de Celle est le premier ouvert sur la base de la compétence universelle, à se pencher sur les crimes commis en Gambie lors de la dictature de Jammeh. Un autre présumé Jungler, Michael Correa, 43 ans, a été inculpé aux États-Unis en juin 2020. Correa est accusé d’avoir torturé des détenus à la suite d’une tentative de coup d’État manquée en Gambie en 2006. En Suisse, une enquête est en cours pour crimes contre l’humanité contre l’ancien Ministre de l’intérieur Ousman Sonko, depuis son arrestation en 2017.

En Gambie, la TRRC a recommandé la poursuite de Jammeh et de nombreux autres individus. Un Livre blanc publié en mai 2022 par le gouvernement gambien a accepté cette recommandation. Le Ministre de la Justice gambien Dawda Jallow, a indiqué que la poursuite de Jammeh, qui est exil en Guinée équatoriale, et de ses complices, impliquera « probablement » la création d’un tribunal hybride en partenariat avec la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), en assurant l’émergence d’un consensus dans le cadre d’une série de conférences organisées par l’Association du Barreau de Gambie. Cependant, aucune démarche n’a été entreprise à ce stade pour la création d’un tel tribunal. La campagne « Jammeh2Justice », créée par les victimes de l’ancien régime, ainsi que des activistes gambiens et internationaux ont appelé le Gouvernement à prendre des mesures concrètes pour traduire Jammeh et ses complices en justice.

« Les affaires en cours en Allemagne, en Suisse et aux Etats-Unis contre les complices présumés de Jammeh nous ont montré que la justice est possible » a indiqué Fatoumatta Sandeng, porte-parole de la campagne Jammeh2Justice. « Maintenant, il est temps pour le gouvernement gambien de mettre en action son engagement pour traduire en justice Jammeh lui-même et les autres individus responsables en Gambie. »

Le groupe d’ONG impliquées dans l’affaire Bai L. inclut le African Network against Extrajudicial Killings and Enforced Disappearances (ANEKED), le Centre européen pour les droits humains et constitutionnels (ECCHR pour European Center for Constitutional and Human Rights), le Gambia Center for Victims of Human Rights Violations, la Commission Internationale de Jurists (CIJ), Reporters sans frontières, l’association Rose Lokissim, la fondation Solo Sandeng Foundation, et TRIAL International.

Pour plus d’informations, veuillez contacter :

Reed Brody, Commission international de Juristes, à Barcelone (Anglais, Espagnol, Français, Portugais): [email protected], +1-917-388-6745 ; Twitter : @reedbrody

Nana-Jo Ndow, ANEKED, à Berlin (Anglais, Espagnol, Français, Portugais),  [email protected], +49 17628233831

Patrick Kroker, avocat de Baba Hydara, à Berlin (Allemand, Anglais, Français) : [email protected], +49 170 8136258 ; Twitter : @pkroker2

Fatoumatta Sandeng, Porte-parole de la campagne Jammeh2Justice Campaign, à Düsseldorf (Anglais, Allemand, Wolof, Mandinka), [email protected], +49 1631747519

Olivia Gerig, TRIAL International, à Genève (Français, Anglais, Allemand), [email protected] , +41 22 321 61 10 ; Twitter : @Trial

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