Tunisie : Défendre l’indépendance de la justice

Les autorités tunisiennes n’ont pas donné suite aux recommandations de l’IVD visant à préserver l’indépendance judiciaire comme condition primordiale à l’État de droit et comme garantie fondamentale des droits et libertés constitutionnels, a déclaré la Commission internationale de juristes (CIJ) dans une note d’analyse publiée aujourd’hui.

Cette note, intitulée « Tunisie : Promouvoir les recommandations de l’Instance Vérité et Dignité sur la réforme de la justice », fait le point sur les recommandations formulées par l’Instance Vérité et Dignité (IVD) pour pleinement réaliser l’indépendance judiciaire dans le système juridique national.

Près de trois ans après la publication du rapport final de l’IVD, le gouvernement tunisien n’a toujours pas adopté de plan d’action pour mettre en œuvre les recommandations du rapport, comme l’exige la loi de 2013 sur la justice transitionnelle.

Depuis l’adoption de la Constitution de 2014, seules quelques réformes tendant à se conformer aux principes constitutionnels et aux normes internationales ont été adoptées et plusieurs failles permettant l’influence indue de l’exécutif sur le pouvoir judiciaire subsistent.

« Le retard dans l’adoption des réformes requises affaiblit la capacité du système judiciaire à résister aux pressions indues », a déclaré Saïd Benarbia, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord de la CIJ.

« Ceci est particulièrement regrettable à un moment où, depuis le 25 juillet, la prise de pouvoir non constitutionnelle du Président et la concentration des pouvoirs entre ses mains qui s’ensuit mettent à l’épreuve l’indépendance du pouvoir judiciaire ».

S’appuyant sur les recommandations de l’IVD et sur son précédent rapport sur l’indépendance de la justice en Tunisie, la note d’analyse de la CIJ dresse une liste détaillée des réformes juridiques que les autorités tunisiennes devraient adopter en vue d’assurer la pleine conformité du pays avec le droit international des droits de l’homme et les normes internationales relatives à l’indépendance de la justice.

« Dès le rétablissement de l’ordre constitutionnel, toutes les lois et tous les décrets permettant l’intervention inappropriée de l’exécutif dans le domaine judiciaire doivent être rapidement abrogés », a ajouté M. Benarbia. « En attendant, le Conseil supérieur de la magistrature, en tant que gardien de l’indépendance de la justice, doit jouer pleinement son rôle ».

D’autres recommandations portent sur la nécessité pour la Tunisie de garantir :

  • L’adoption d’une réforme globale et consolidée prévoyant un nouveau statut des magistrats conforme aux normes internationales et habilitant le Conseil supérieur de la magistrature pour toutes les questions relatives à la carrière des magistrats, excluant tout rôle substantiel dans ce domaine pour les pouvoirs exécutif et législatif, et modifiant en conséquence le statut des institutions judiciaires connexes ;
  • L’interdiction, sous peine de sanctions appropriées, de toute ingérence indue de quelque source que ce soit dans le système judiciaire et de toute entrave au cours de la justice, ainsi que la pleine mise en œuvre et l’exécution des décisions et ordonnances judiciaires ;
  • La suppression de l’autorité hiérarchique du Ministre de la Justice sur le Ministère public, y compris le pouvoir de donner des instructions dans des dossiers individuels, par le biais de la réforme du Code de procédure pénale ; et
  • que les magistrats siégeant dans les tribunaux militaires aient un statut garantissant leur indépendance et leur impartialité, et que la compétence des tribunaux militaires soit limitée au personnel militaire pour les infractions militaires présumées, à l’exclusion expresse des civils et des cas de violations graves des droits de l’homme.

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Cette note d’analyse en anglais, français, et en arabe.

Ce communiqué de presse en anglais, français, et en arabe.

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