Tunisie : Le décret présidentiel 11 doit être abrogé

Le décret présidentiel 11 de 2022 portant création d’un Conseil Supérieur de la Magistrature Temporaire (CSMT) est inconstitutionnel et doit être abrogé, a déclaré aujourd’hui la Commission Internationale de Juristes (CIJ).

En vertu de la Constitution de 2014, le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) est l’organe chargé d’assurer l’indépendance de la justice et le contrôle de la carrière des juges. La plupart de ses membres sont des juges, élus par leurs pairs.

Le 6 février 2022, le Président Kais Saied a annoncé son intention de dissoudre le CSM par décret. Un jour plus tard, la police tunisienne a fermé le bâtiment du CSM et a empêché ses membres d’accomplir leurs fonctions constitutionnelles.

« Le décret 11 entraîne la subordination du pouvoir judiciaire au pouvoir exécutif et rend chaque juge individuellement subordonné au Président », a déclaré Said Benarbia, Directeur du Programme MENA (Afrique du Nord et Moyen-Orient) de la CIJ.

« Le décret démantèle l’architecture institutionnelle garantie par la Constitution et la loi tunisienne pour sauvegarder et préserver l’indépendance de la justice ; en fait, cela érode la structure même de l’ordre constitutionnel dans le pays », a ajouté Benarbia.

En vertu de la Constitution tunisienne de 2014 et de la loi de 2016 sur le Conseil Supérieur de la Magistrature, la majorité des membres du CSM doivent être des magistrats élus par leurs pairs. Les autres membres comprennent des juges ès qualité et des experts indépendants. Cependant, en vertu du nouveau décret 11, le Président de la République peut soit directement nommer soit influencer d’une autre manière la nomination de tous les membres du nouvel organe. Aucun d’entre eux n’est élu.

Le décret 11 permet en outre au Président de la République d’influencer tous les aspects liés au contrôle de la carrière des juges, y compris leur sélection, nomination, promotion et transfert. De surcroît, le décret habilite le Président à demander la révocation des juges et même à se substituer à l’organe disciplinaire chargé d’ordonner ces révocations.

« S’il était mis en œuvre, le décret mettrait fin à tout semblant d’indépendance de la justice et de séparation des pouvoirs dans le pays, et ramènerait la Tunisie à ses jours les plus sombres, lorsque les juges étaient transférés et révoqués au gré du pouvoir exécutif », a déclaré Benarbia.

En vertu du droit international et des normes internationales, un conseil de la magistrature indépendant est essentiel pour garantir l’indépendance institutionnelle du pouvoir judiciaire, l’indépendance individuelle des juges et la séparation des pouvoirs. Le conseil de la magistrature devrait être un organe indépendant des pouvoirs exécutif et législatif et une proportion significative de ses membres devrait comprendre des juges choisis par leurs pairs.

Contact

Said Benarbia, Directeur du programme MENA de la Commission Internationale de Juristes (CIJ) ; email: [email protected]

Asser Khattab, Responsable des communications du programme MENA de la Commission Internationale deJuristes (CIJ), email: [email protected]

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